Concept et portée artistique

3ème Oeil est bien plus qu’un film de fiction : c’est une oeuvre hybride, à la croisée du cinéma, de la photographie et de l’art contemporain. En s’inspirant directement des figures majeures de la photographie comme Vivian Maier et Cindy Sherman, le film inscrit d’emblée son geste artistique dans une tradition de l’autoportrait féminin comme acte de résistance. L’héroïne, Christiana, photographe errante à New York, incarne cette quête d’émancipation par l’image. La photographie n’est pas ici seulement un médium visuel, mais un langage existentiel : un moyen d’explorer le moi, la solitude, la marginalité, le désir — et de recomposer une intimité rêvée à travers l’objectif.

 

Féminisme et corps

L’un des axes les plus puissants du film est sa réflexion sur le corps des femmes et sa représentation.

En intégrant une Love Doll — objet par essence hypersexualisé — dans le processus créatif, le film retourne cet objet fétichisé en icône affective et plastique, questionnant les frontières entre objet, sujet, fantasme et solitude. Ce faisant, 3ème OEil refuse le puritanisme contemporain autant que le regard masculin dominateur : le nu y est montré sans complaisance, sans érotisme forcé, mais avec une volonté de représenter la réalité émotionnelle du corps féminin, dans toute sa diversité, y compris la vieillesse. Il s'agit d'une reconquête visuelle du corps par les femmes, contre les assignations sociales et artistiques.

 

Métaphysique de l’image

Le film développe une métaphysique féministe de l’image : chaque photo devient trace, mémoire, double. Les installations photographiques ne sont pas de simples décors, mais des extensions mentales de l’artiste, des projections d’un couple imaginaire qui n’existe que dans l’objectif.

Cette dimension ajoute une épaisseur conceptuelle au film, lui donnant la forme d’un journal intime visuel hanté par l’absence, l’utopie amoureuse et la désintégration de la subjectivité.

3ème OEil est une fiction photographique profondément politique, qui interroge le regard, le corps et l’isolement féminin à travers une narration sensorielle et esthétique.

Ce film ne se contente pas de "montrer" des corps nus : il les réhabilite, les reconstruit, les pense. Il s’oppose aux tentations moralisatrices, tout en offrant une alternative artistique profondément humaine à la représentation du corps des femmes dans les arts visuels.

Loin du voyeurisme ou du moralisme, il propose une reconquête artistique du nu, magnifiant des corps vrais — jeunes, vieux, seuls — La Love Doll, détournée de sa fonction sexuelle pour devenir alter ego affectif et partenaire de création, devient un symbole de la solitude contemporaine et de la quête d’amour. Le film explore avec force la frontière entre image et intimité, entre fantasme et réalité, dans une ville qui incarne autant l’exil que la liberté.

3ème OEil replace le corps féminin au centre d’un débat artistique et politique essentiel : celui de la libre représentation, sans censure ni complaisance